Aujourd’hui: Censure, horreur et délinquance, suite.
Nous avons vu les lourdes interdictions soit-disant définitives aux mineurs ou à la projection. Voici maintenant les sanctions moins sévères consistant en coupes ou en sorties retardées.
« L’enfer des zombies » (Zombi 2, 1979) film italien de Lucio Fulci connut à ce titre un destin surprenant. Sorti dans le sillage du « Zombie » de Romero – intitulé « Zombi »- en Italie- ‘L’enfer… » dépeint les ravages d’une invasion de morts-vivants et les efforts d’un groupe de vivants pour la combattre, tout comme son cousin américain (Italo-américain en fait, Dario Argento étant très impliqué dans l’opus de Romero. Par ailleurs « Zombie » eut deux montages différents, l’un pour les Etats-unis et l’autre pour l’Italie) La ressemblance s’arrête là. Il n’y a pas chez Fulci de sous-texte politico-social, l’italien préférant revenir aux sources carribéen du mythe. Les zombies y sont plus sales et sans identité définie. Et surtout le gore y est encore plus agressif. Quand le film fut présenté à la commission de contrôle française à la fin de l’année 1979, elle décida une interdiction totale. Pour finalement autoriser la sortie du film en février 1980. « Massacre à la tronçonneuse » attendait son heure, « Mad Max » et « Les guerriers de la nuit » écopaient d’un classement X et le festival de chair arrachées de Fulci passait sans problème ou presque. Pourquoi?

Afin de répondre à cette angoissante question, il est temps de parler de « Mad Max » de George Miller (Australie, 1979) justement. Ce film dépeint l’affrontement entre bandes motorisées et policiers courageux dans un temps et un lieu indéterminés (Même si de discrets mais évidents détails indiquent qu’on est bien chez les kangourous) Malgré l’absence d’ambivalence morale – les bons sont durs mais ne franchissent pas la barrière séparant le bien du mal- la commission de contrôle jugea le film dangereux en raison de la tôle froissée à longueur de pellicule qui aurait pu donner de mauvaises idées à la jeunesse. Bon. J’étais certes bien jeune en ce début d’années 80 mais je lisais déjà les journaux (Eh oui, mais ne me prenez pas pour un HPI, je n’ai pas cette prétention) et pour autant que je me souvienne, il n’y eut pas après le film d’épidémie de roues arrières et de rodéos dans les galeries marchandes comme c’est le cas aujourd’hui. En cela, « Mad Max » est loin, très loin de la purge de Lola Quivoron « Rodéo » ode aux cascadeurs en herbe qui pourrissent la vie de nos concitoyens. Soit, il s’agit d’un documentaire et Mlle Quivoron n’est pas responsable du phénomène qu’elle enregistre. Mais elle en fait l’apologie sans égard pour ses victimes; prise qu’elle est dans son délire de petite bourgeoise gauchiste. En tous cas, le classement X du film de Miller fut levé lors de sa deuxième sortie en 1982, précédent celle de sa suite qui devait asseoir définitivement le mythe.
Cela dit, les censeurs ne se trompaient pas entièrement en cela que la violente fable futuriste des antipodes entretenait malgré son cadre incertain un rapport lointain mais avéré avec la réalité. L’insécurité, en l’occurrence, thème par ailleurs fort prisé par le cinéma dans les années 70/80. Déjà, rien que pour ce qui concerne les films traités jusqu’ici dans cet article, l’insécurité est sinon leur seul sujet, au moins un de leurs aspects. Y compris dans le rigolard « Fritz the cat » ou la police représente le danger pour l’étudiant contestataire du titre. Et il ne faut pas oublier le lapin motard néo-nazi et sa sadique compagne lézarde qui apparaissent lors du dernier tiers du film. Quant aux films de zombie, ils traitent aussi d’insécurité, en particulier celui de Romero qui considère que la police est le plus grand danger comme le prouve le massacre par le SWAT des familles noires et latines au début de l’histoire. Enfin, il y a les joyeux bouchers de « Massacre à la tronçonneuse » qui guettent leurs proies au bord des autoroutes.

Violence métaphorique, violence rurale, violence urbaine. Violence urbaine. Un motif récurrent, un mal qui ne saurait bien souvent être soigné que par la justice expéditive, de préférence appliquée par les citoyens eux-mêmes. Un mal qui fait peur ou fascine dès lors que la caméra se porte sur ceux qui l’exercent. Les voyous petits ou grands. Ou appelés à grandir, comme les bandes des « Guerriers de la nuit » de Walter Hill (Etats-unis, 1979) fable urbaine inspirée par « L’Anabase » de Xénophon ou les guerriers grecs et leurs ennemis sont remplacés par des gangs de rues aux tenues pittoresques. L’histoire commence par la réunion des gangs de NYC à l’invitation de Cyrus, chef de la bande la puissante de la ville. Ce dernier propose à ses ouailles de s’unir afin de gouverner le bled tout entier. Rien que ça. Hélas, un sombre plaisantin le plombe et la faute retombe sur la bande des Warriors, lesquels bien entendu innocents doivent se replier sur leur territoire. Ce n’est pas une mince affaire attendu que ces garçons et ces filles de leur âge sont loin de chez eux et que leur route est semée d’embûches en l’espèce les autres gangs bien décidés à leur faire la peau. Bon. On arrête les sornettes, c’est VRAIMENT trop stupide. Pour le coup, il s’agit bien d’une apologie de la délinquance – Après tout Cyrus propose bien aux gangs de régner et donc de substituer sa loi à celle en vigueur- les Warriors sont présentés comme des anges, les seuls purs dans ce monde brutes. Mouais. De qui se moque-t-on? Quoiqu’il en soit, le film eut droit à quelques coupes à sa sortie française en 1980 avant de ressortir quatre ans plus tard dans sa version intégrale. Comme le mentionne l’affiche ci-dessous. C’est toujours un argument vendeur, ça!

Achevons cet article sur un film français, « De bruit et de fureur » de Jean Claude Brisseau (France, 1988) A l’époque ou le film de banlieue n’existait pas encore, Brisseau plantait sa caméra dans ces endroits qui sont désormais pour beaucoup une certaine idée de l’enfer. Dans ce paysage de barres de béton, le cinéaste suit le parcours d’un jeune garçon délaissé par sa mère (Célibataire, il va sans dire) qui se laisse fasciner par un adolescent plus âgé que lui, délinquant et élevé par un père (Veuf, il va sans dire) violent et traumatisé par la guerre d’Algérie. Le propos est daté du fait de la période, on ne voit guère ici de maghrébins et le Rap ne fait pas encore partie des meubles. Cependant, Brisseau a eu le courage de traiter une réalité que le public ignorait souvent. C’est d’ailleurs ce qui valut à « De bruit et de fureur » de se retrouver avec une interdiction aux moins de dix-huit ans. Décision qui fut changée suite aux protestations du réalisateur et d’une partie du public. Le cas est particulièrement intéressant en regard des exemples qui ont illustré cet article qui ont tous en commun d’être étrangers et de prendre des distances parfois assez grandes avec le réel. Certes, le film de Brisseau est lui aussi très stylisé mais il se passe chez nous. Ce qui change tout. Même et surtout pour les censeurs, fussent-ils mitterrandiens comme c’était le cas en cette année 1988 ou les français en reprenaient pour sept ans de sodomie supplémentaires.

Quelle conclusion tirer de tout cela? Pointer les incohérences de la censure, parfois dues aux changements des membres des commissions de contrôle (Rappelons que censeur est une fonction en France et non une profession comme c’est le cas dans d’autres pays, le Royaume uni notamment) de l’influence ds gouvernements, du contexte social, de la réalité et bien entendu de ce qui passe par la tête de ceux qui prennent les décision, les fameux censeurs. On pourrait ajouter la nature des tabous que transgressent les films. En fait, j’ai tort. Tout ce que j’ai évoqué relève du passé. Des années 70/80 qui furent le chant du cygne de la censure d’état et de la société de discipline dont elle était l’émanation. Un monde disparu, un continent englouti qui interdisait encore aux moins de dix-huit ans et classait X (Quant il ne portait pas plainte contre X, bon d’accord, c’est nul!) Un monde qui paraîtrait bien étrange aux ads de notre époque pour qui le porno est libre d’accès ur n’importe quelle plateforme numérique. Merci Jacquie et Michel?
A bientôt!
