Alexandre Léger auteur rétro

Tout l’univers- Cinéma édition spéciale

Aujourd’hui: Censure, horreur et délinquance, fin d’une ère culturelle….

L’arrivée au pouvoir de la clique mitterrandienne marqua un tournant dans l’histoire de la censure en France. Comment pouvait-il en être autrement avec ce régime merveilleux champion de toutes les libertés? Il est vrai que les décennies précédentes avaient été assombries par d’immondes dictatures fascistes. Soit, et on le verra par la suite, les gouvernements qui se succédèrent eurent des attitudes parfois fort contestables envers ce que d’aucun considèrent comme la liberté d’expression. Cependant, la censure et ses éventuels excès ne cessèrent pas avec l’avènement du préposé aux noces et banquets inclusifs au ministère de la culture.

Quoiqu’il en soit, vous l’aurez compris, il sera question ici de censure et de cinéma par le biais de films ayant subi les affres de diverses restrictions, des motivations – réelles ou supposées- des censeurs et partant de l’évolution de ces derniers.

Lors des années Pompidou/Giscard deux films subirent des interdictions des plus sévères, en l’occurrence « Fritz the cat » de Ralph Bakshi en 1972 et « Massacre à la tronçonneuse » de Tobe Hooper en 1976. Le premier qui reste dans les mémoires le pionnier de l’animation pour adultes avec ses petits Mickeys fornicateurs écopa d’une interdiction aux moins de dix-huit ans en raison de son contenu pour le moins explicite. Il n’y a donc rien à ajouter. En revanche le cas du second désormais devenu un mythe du cinéma d’horreur est plus complexe et mérite plus d’attention. Il convient d’abord d’en rappeler l’argument: un groupe de jeunes citadins s’égare dans la campagne texane pour se heurter à une famille locale de dégénérés anthropophages portés sur le maniement de la scie électrique. Le sujet autant que le titre promet des morceaux sanguinolents. Or ces derniers en sont pratiquement absents. Déception. Pourtant, la censure française de l’époque demanda des coupes lorsque l’oeuvre lui fut présentée en 1976. Les coupes jugées insuffisantes amenèrent la commission de contrôle des films à interdire toute projection sur le territoire national. Encore une fois, il ne s’agit pas de juger du bien-fondé de cette décision mais de ses motivations. L’horreur dans le film ne provenait pas de débordements sanglants mais de son atmosphère lourde et poisseuse ainsi que du contraste entre les jeunes urbains « normaux » incapables de s’entendre – et c’est une des causes de leur perte- et les paysans monstrueux auxquels ils sont opposés et qui, eux, fonctionnent parfaitement en dépit de leurs désaccords.

Ceci posé, « Massacre à la tronçonneuse » en raison de son invisibilité suscita forcément force fantasme. Quoiqu’il ne fut pas invisible pour tout le monde, l’interdiction ne concernant pas la vidéo alors naissante, l’ingénieux homme d’affaires René Château exploita les droits pour la VHS avec un succès considérable. Ce triomphe explique la faible audience du film lors de sa sortie en salles en 1982. Il n’empêche que celle-ci n’en demeura pas moins un événement et un symbole fort pour le gouvernement socialiste fraîchement élu. Il s’y ajouta la levée de la restriction aux mineurs de « Fritz the cat » deux ans plus tard avec moins d’éclat cependant.

Autre film invisible autant qu’attendu « Zombie » (« Dawn of the dead » de George Romero, Etats-unis, 1978) connut un sort assez proche du « Massacre. » de Tobe Hooper. Longue interdiction en salles avec sortie parallèle en vidéo – René Château était encore sur le coup- puis parution en salles. Je rappelle pour ne pas perdre les bonnes habitudes l’argument du film: les morts vivants envahissent la Terre et font face à la résistance des humains toujours sains – lesquels sont évidemment beaucoup moins nombreux. Une poignée de ceux-ci se réfugient dans un centre commercial qui devient une sorte de Fort Alamo. Le choc provoqué auprès du public et de la censure par le film de George Romero fut double. Visuel d’abord avec son terrible cortège d’ombres, euh, pardon de têtes éclatées, coupées, de geysers de sang et autres joyeusetés. Politique ensuite avec son propos anticapitaliste, le centre commercial représentant la société de consommation et la lutte entre vivants et morts vivants le capitalisme se dévorant lui-même. Tout ça c’est du pipeau. Le cinéma est un art certes mais également une industrie, il est donc absurde de se livrer à une critique du système dont il est issu. Abel Ferrara ne m’aurait pas contredit, ayant affirmé que « réaliser un film était déjà un acte bourgeois » Dont acte.

Pourtant, ce qui choqua ces messieurs-dames de la commission fut les relents nazis de l’oeuvre! Connaissant les convictions gauchistes de Romero il y a de quoi rire. Il semblerait que ce contresens s’explique par la scène des Hells angels déboulant dans le centre commercial telles de modernes tuniques bleues pour dégommer du zombie à tour de bras. Sont-ce les insignes parfois suspects qu’arborent parfois les motards américains qui auraient induit en erreur ce petit monde? Toujours est-il que le fascisme – réel ou supposé- ne passa pas. Ou plutôt, il dut attendre cinq ans pour débarquer sur nos écrans. Avec force affiche montrant un mort vivant au crâne orné d’une machette, ans doute pris pour une tarte aux fraises par un myope ou un mauvais plaisant. N’importe comment, c’est lamentable.

A suivre!


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