Aujourd’hui: « Fucking Fernand » de Gérard Mordillat (France, 1987)
André Binet est un assassin. Fernand Lebâtard est un fils de famille caché dans un couvent par cette dernière en raison de sa cécité. Ce qui peut se comprendre car selon les propres dires de Fernand: « Un aveugle chez des fabricants de lunettes, ça la fichait mal! » Ces deux hommes que tout sépare se rencontrent cependant à la grâce des hasards de la guerre. Ce sera le début d’une coexistence difficile au milieu de circonstances rocambolesques qui finira sur une belle amitié.

Inspiré par le roman homonyme de Walter Lewino, « Fucking Fernand » est un mélange de genres entre satire et film d’Occupation. Il pourrait être vu comme une « grande vadrouille » revisitée par le professeur Choron avec son duo bipolaire prolo/grand bourgeois réunis par les remous de l’Histoire. Toutefois, le prolo est ici un criminel et le grand bourgeois un Gilbert Montagné puceau attardé et donc obsédé sexuel (Est-ce forcément lié? En tous cas, ici, ça l’est!) Le film ne fait pas, vous l’aurez compris dans le délicat. Et ce n’est que le début. Autour de ce binôme clownesque s’agite une foule de gugusses tout aussi pittoresque, Martin Lamotte en tête dans le rôle du flic acharné qui a juré la perte de Binet (Jean Yanne) A ce propos, rarement Lamotte aura été aussi bon et aussi en roue libre, servi par la mise en scène de Mordillat qui grâce à l’usage du grand angle rend l’acteur presque inquiétant. Et c’est un des atouts de la chose de rappeler que sous l’ironie mordante perce la vérité: l’horreur de la guerre. Celle-ci apparaît avec la mort de Charlotte Valandrey, celle-là même qui déniaise Fernand (Thierry Lhermitte) Ce qui prouve que l’humour acide n’exclut pas le charme, ni l’émotion. Marie Laforêt en sous-maîtresse de bordel est à ce titre une synthèse de tout cela. Femme d’affaires avant tout elle joue la carte allemande avant de retourner sa veste ou plutôt son jupon quand la victoire change de camp.
De ce point de vue, le film ne dit rien de bouleversant sur les diverses attitudes des français lors de l’occupation. Et ce n’est pas le personnage de trublion de Thierry Lhermitte qui y change quoi que ce soit. Il n’est dans ce contexte qu’un individu particulier à qui la guerre offre la possibilité de s’émanciper. Il déclare d’ailleurs au détour d’un dialogue que sans le conflit, il moisirait encore dans son institution et Binet aurait fini sur l’échafaud. Aussi « Fucking Fernand » est-il un exercice brillant sur le thème des destins personnels bousculés par la guerre. Pour le pire ou pour le meilleur. En l’espèce pour le meilleur car les deux pieds nickelés du récit s’en sortiront mieux que bien.
A bientôt!

