Alexandre Léger auteur rétro

Tout l’univers- Le cinéma- Edition spéciale.

Aujourd’hui: Les cocos à Moscou?

Le communisme…depuis Soljenytsine et Rambo, il s’était écroulé avant le mur de Berlin et le lynchage des Ceaucescu. Comme si cela n’avait suffi, Robert Hue (Qui? Mais si vous savez!) acheva de le terminer mieux que ne l’avait fait « Le livre noir du communisme » et Stéphane Courtois. Certes, il demeure aujourd’hui des adeptes massés chez Mélenchon et dans les facs de sociaux. Mais pour ces derniers, le communisme n’évoque pas grand chose, ce public étant plus sensible à l’écriture inclusive et à l’inclusivité qu’au marxisme-Léninisme que bien souvent il ignore.

Mais si le communisme est un vestige du passé, il fut dans le passé une force politique qui dominait la moitié de l’Europe, infectait l’Asie, l’Amérique latine et même (Et surtout?) la grande ceinture de Paris. Il soulevait autant de terreur que d’enthousiasme, attirant les ouvriers, les artistes et les intellectuels, et terrifiant les tenants de l’ordre établi. Si en France, certains se vautraient dans les joies staliniennes, l’Amérique quant à elle organisait la chasse aux sorcières, et se livrait à une inquisition télévisuelle ou le bannissement tenait lieu de bûcher.

Les deux films dont il va être question ici évoquent chacun à leur manière les diverses attitudes suscitées par l’idéologie collectiviste de chaque côté de l’Atlantique. L’un français « Rouge baiser » de Véra Belmont, l’autre américain « Une femme en péril » de Peter Yates.

C’est parti!

« Rouge baiser » de Véra Belmont (France, 1985)

Le parcours de Nadia jeune communiste passionnée entre premières amours et désillusions brutales.

« Rouge baiser » se situe à la croisée des genres: peinture sociale, histoire d’amour, histoire tout court et – pour une fois je me permet un anglicisme- « Coming of age ». Pour faire court, à travers les heurs et malheurs de cette jeune fille, le film narre les doutes que commence à susciter l’idéal socialiste. La chose se ressent avec d’autant plus d’acuité que la réalisatrice Véra Belmont a mit beaucoup d’elle-même dans ce récit évidemment autobiographique. (Belmont avoua d’ailleurs qu’à l’âge de son héroine, elle écrivait chaque jour à Staline.) Il y a donc beaucoup d’authenticité dans la description de cette famille d’immigrés d’Europe de l’est qui plus est de confession juive mais qui a remplacé le Talmud par le Capital et est coincée entre les relents de la guerre encore proche (Le film se situe en 1952), la crainte d’un retour de l’antisémitisme et les exactions contre les juifs commises par le régime soviétique. Celui-là même que soutiennent Nadia et les siens. Et qui jusqu’à la conclusion de l’histoire ignorent tout de ces horreurs, tellement confits qu’ils sont dans l’admiration de l’Armée rouge, bien entendu libératrice des camps de la mort. Et donc incapables de se mettre au niveau de la bête immonde, n’est-ce pas?

Mais avant cette révélation finale, il y a l’amour que Nadia porte à Stéphane, jeune et séduisant photographe travaillant à « Paris-Match » qui lui fait découvrir autre chose que son univers par trop balisé par l’idéal et, surtout, l’idéologie. (Même si Nadia est par ailleurs passionnée de poésie et va jusqu’à savourer les horreurs de la dépravation capitaliste des films de Rita Hayworth) Ensuite, il y a le ver dans le fruit. Les « camarades » qui déçoivent, ou se montrent carrément odieux en agissant en Fouquier-Tinville aux petits pieds.

Et tout cela avec en toile de fond les affrontements entre les jeunesses communistes et leurs adversaires, l’URSS était loin de faire rêver tout le monde. Le slogan qui donne son titre à cet article était alors vraiment brandi lors de manifestations.( La reconstitution est à ce propos fort convaincante.)

Et on suit ce travail de sape qui s’acharne contre l’idéal de Nadia pour parvenir au climax, le retour de l’oncle, peut-être vrai père de l’adolescente, fraîchement sorti du Goulag. Un travail de sape douloureux pour Nadia mais qui lui permet de grandir. La liberté est parfois à ce prix.

Un très beau film qui dénonce les ravages d’idées mortifères et les désillusions qu’elle a suscitées. Mais aussi la preuve qu’il est possible d’en sortir, quitte à y laisser des plumes.

Au suivant!


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