Alexandre Léger auteur rétro

Tout l’univers- Le cinéma français

Aujourd’hui: « Le Diable et les dix commandements » de Julien Duvivier (1962)

Tout commence par Michel Simon, retraité pris en charge par les religieuses d’un couvent qu’il entretient en échange du gite et du couvert. Bien que brave homme, il jure constamment, en appelant au « nom de Dieu ». Sur le point d’être expulsé, il doit son salut à l’évêque en visite dans le lieu dont il a été l’ami d’enfance. Afin de racheter son ami, l’évêque décide de lui apprendre les dix commandements. C’est le début d’un film à sketchs illustrant chacun les commandements du Seigneur.

Sans qu’on sache bien pourquoi, les films à sketchs avaient le vent en poupe entre la fin des années 50 et le début des années 60. Plus ou moins réussis- forcément- et de toutes façons inégaux par nature, ils eurent comme tout les genres ses ratés et ses chefs d’oeuvres et les cinquante nuances de gris qui séparent la grâce de l’effondrement. « Le Diable et les dix commandements » se situent sur cette échelle dans une moyenne mieux que bonne, jouant habilement suivant les histoires sur des registres divers allant de la légèreté (« Luxurieux point ne sera » avec Henri Tisot en obsédé scoptophile) au tragique (« Tu ne tueras point » et son duel intense Ventura/Aznavour) en passant par l’absurde (« Un seul Dieu tu adoreras » avec Fernandel en fou qui se prend pour Dieu) Les travers humains et sans plus spécifiquement ceux des français de l’époque. Il est intéressant à ce propos de voir qu’au travers des mésaventures de nos semblables, nos frères qui cèdent ici bien souvent à la tentation, il se cache une dimension qui n’est pas seulement satirique mais aussi spirituelle. Dieu est bien là, chose rare au cinéma, tout comme le Diable qui n’apparaît que bien peu sur le grand écran comme le faisait justement remarquer Jean Pierre Andrevon dans son excellent livre « Cent monstres du cinéma fantastique » Ce qui fait du « Diable et les dix commandements » une série de fables à la morale sous-jacentes derrière lesquelles on reconnaît l’esprit de René Barjavel auteur de la plupart des contes filmés proposés. Sans que cela soit ennuyeux. Au contraire, la frappe est précise et parfois très percutante, en particulier dans « Tu ne déroberas point » ou s’affrontent un Louis de Funès en grande forme et un Jean Claude Brialy qui chante sa partie mieux que bien. Assez curieusement, ce sketch anticipe avec plusieurs années d’avance l’adaptation filmée de « L’avare » – avec un de Funès en extase devant des liasses de billets de banque- et le film américano-canadien « L’argent de la banque » avec le jeu ambigu de chat et de la souris auquel se livrent les protagonistes.

Cette très bonne cuvée souffre d’une durée un peu excessive et baisses de rythme, ce qui n’est pas très grave au final et ne gâchera pas votre plaisir si le coeur vous en dit d’y jeter un oeil!


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