Aujourd’hui: Edition spéciale cinéma britannique.
Cette édition spéciale cinéma britannique aurait pu s’intituler spéciale 1979 puisque les deux films présentés ici ont en commun de dater de 1979 et d’être de nationalité britannique. Bon, j’arrête de parler pour ne rien dire et passons aux choses sérieuses. « Quadrophenia », évocation de la jeunesse insulaire des années 60 et « La vie de Brian », satire biblique (C’est en fait plus compliqué que ça, mais j’y viendrais forcément) deux films aussi différents que possibles. Certes. Mais c’est voulu, et vous allez comprendre pourquoi!

« Quadrophenia » de Franc Roddam (Royaume uni, 1979)
Jimmy, jeune mod vit une dérive auto-destructrice pendant un week-end qui le mènera de Londres à Brighton et de déboires en désillusions.
Tout y est. Les scooters, les amphets et les costards trois boutons. Les faits d’armes entre Mods et Rockers sur les plages de Brighton. Une manière de débarquement. Les all-nighters sur fond de Soul et les hymnes des Kinks et, bien sûr des Who. Oui, tout est là, toute la sémiologie des Mods à la fois célébrée et éraflée par l’album éponyme du groupe de Pete Townshend à la base du film de Franc Roddam. Mais ce n’est qu’un écrin pour conter l’histoire de Jimmy, mod passionné autant que caricatural (En cela assez conforme à ce qu’étaient les adeptes du mouvement à l’époque ou se déroule le film. Des paumés en quête d’aux-mêmes, loin des modernistes du début, esthètes fous de Jazz et d’élégance italienne) Obsédé par l’apparence, poussant la superficialité du mode de vie à l’extrême, jusqu’à ne plus voir l’existence que comme un all nighter éternel. Ou Dionysos à l’heure de la Pop culture.
Suivant cette voie, Jimmy perd à vouloir tout gagner, travail, amour, scooter même. Ce qui n’est rien comparé à la triste réalité qu’il découvre une fois arrivé à sa Mecque. Ace the face, chef mythique des bandes Mods se révèle n’être qu’un groom. Un larbin. Ce qui suscite la colère ultime de Jimmy qui volera le scooter de son ancien Dieu pour…le projeter depuis les falaises de Brighton. Sans qu’on sache s’il se suicide ou non. Car n’en déplaise à certains critiques, le film se différencie du disque en cela que sa fin est moins nette. Là ou l’album tuait son héros dans le climax « Doctor Jimmy », le film est plus ambigu en ne montrant que l’épave du scooter. Ce qui laisse libre cours à l’interprétation. Le héros s’est-il suicidé, refusant par là de survivre à l’adolescence? Ou alors s’est-il contenté de détruire le scooter en un geste symbolique- façon de montrer qu’il se décidait à grandir?
Chacun est évidemment libre d’y voir ce qu’il veut. Mais ici, on touche au problème du récit: le manque de clarté. Lequel est du à la confusion de son personnage principal. Jimmy ne semble pas en effet savoir ce qu’il veut. Il est en cela une figure familière dans les chansons des Who et donc de leur leader Pete Townhend. Quelle figure? Celle, comme l’écrivait Nik Cohn, de l’ado un paumé, un peu bêta, un peu agressif. On le rencontre dans « Substitute » ou « I’m a boy » et Jimmy appartient à cette lignée, se distinguant des autres par son jusqu’au-boutisme dans ce qu’il faut bien appeler la bêtise. S’il est compréhensible de reculer devant la vie adulte et ses contraintes – voir à ce sujet la scène ou il agresse verbalement son patron- il n’est d’un autre côté pas sain de se complaire dans une adolescence éternelle. C’est ce qui travaille Jimmy et c’est la seule raison qui puisse expliquer sa révolte dont l’origine semble par ailleurs obscure. Pour en revenir à sa dispute avec son patron, elle est à ce titre représentative ce caractère peu logique car l’attitude du boss n’a rien d’odieux.
Ceci posé, « Quadrophenia » n’est pas qu’une étude de caractère, c’est également l’évocation d’une époque et s’inscrit en cela dans la riche lignée des films sortis lors des années 70 exploitant le filon de la nostalgie des années 50/60, il est d’ailleurs sorti en France au même moment que « Les seigneurs » de Philip Kaufman, autre peinture des années 60 débutantes mais du côté américain. Sans chercher à comparer les deux, il est intéressant de constater ce qui les distingue Le film de Kaufman était une comédie dramatique sur le passage à l’âge adulte dans un contexte social (Le prolétariat du Bronx) et politique (La mort de Kennedy et le début de la guerre du Vietnam) Celui de Roddam l’étude d’un cas particulier certes situé dans un contexte historique déterminé mais limité à la culture Pop, en l’espèce l’affrontement entre deux groupes de jeunes. Aux allures de guerre et c’est l’une des différences majeures entre les deux opus. De nature nationale. La chose militaire ne concernait plus les jeunes anglais alors que leurs homologues américains pouvaient se retrouver à crapahuter dans les rizières.
Après tout, peut-être que ce qui manquait à Jimmy, c’était une bonne guerre..
A suivre…




