Aujourd’hui: « Nestor Burma court la poupée » de Léo Malet (1971)
Nestor Burma travaille cette fois pour le couple Bonamy dont dont l’avortement de leur fille Yolande a mal tourné. Le détective se rend chez le docteur Muffat que les Bonamy soupçonnent. Le médecin semble inquiet et en proie à des menaces, au point d’engager un garde du corps. Il se montre encore plus inquiet quand Burma lui montre une poupée. Peu après, alors qu’il a quitté le domicile de Muffat et qu’il surveille les abords de ce dernier, Burma assiste à l’assassinat de Muffat et de son ange gardien.
Rédigé et publié pour la première fois en 1948 sous le titre « Coliques de plomb » , « Nestor Burma court la poupée » est donc une réécriture. S’il est évident que Léo Malet a remis au goût du jour son livre en raison du changement d’époque, un problème abordé ici était toujours et même plus que jamais d’actualité en 1971: l’avortement. 1971, une date intéressante en cela qu’elle se situe presque exactement entre Mai 68 et la loi Veil. Une période ou la libération des moeurs portée par la jeunesse s’amorce mais ou certains bastions de ce que d’aucuns nomment la Réaction résistent. Sans attaquer franchement ceux qu’on appelle pas encore les « soixante-huitards », Malet s’amuse des modes et des musiques dans le vent, sous-entendant qu’ils ne seraient peut-être pas étrangers au sort de Yolande Bonamy. Toutefois, et comme souvent, c’est surtout la bourgeoisie qui en prend pour son grade via le personnage du docteur Muffat, médicastre à la fausse respectabilité. Il y a par ailleurs des références amusantes à la nouvelle cinéphilie et à l’engouement pour le fantastique, ce qui vaut au bien réel Jean Claude Romer de figurer dans ces pages. Eh oui, l’un des grands manitous de « Midi minuit fantastique », magazine devenu culte. Ce goût de certains pour les monstres est par ailleurs confronté à l’horreur véritable vécue par une femme défigurée. Comme fréquemment chez Malet, la mélancolie perce sous l’ironie et elle est dans ce cas d’autant plus sensible que c’est l’ultime tour de piste de Malet et de son héros. L’auteur dira plus tard qu’il avait cessé d’écrire parce qu’il ne se reconnaissait plus dans cette ère nouvelle et qu’il préférait en laisser la description à la jeune garde, A.D.G notamment. Il est vrai, et on ne le répétera jamais assez, que plus que d’autres, le polar est lié ainsi à un temps et à un lieu – A time and place pour cligner de l’oeil à nos mais anglophones- et cela se vérifie particulièrement avec Burma. Burma, est un natif de Montpellier devenu parisien à l’image de son créateur – et de nombreux anonymes, c’est bien connu- accroché à la capitale dont il visite chaque arrondissement (Pas tous en réalité, mais bon..) et ce en dépit de quelques escapades provinciales. Il en voit les travers et les charmes tout à la fois et la manière dont ceux-ci subissent les aléas des diverses décennies traversées par le héros. Et ce depuis la débâcle de 1940 jusqu’au soubresauts post-soixante huitards en passant par l’apparition de la télévision, les relents de l’Occupation et la guerre d’Algérie.
En guise de conclusion, Nestor Burma c’est un portrait de la France du milieu du XXème siècle dont chaque pièce n’a pas forcément une valeur identique mais dont l’image finale continue de saisir et de passionner.


