Aujourd’hui: « Brouillard au pont de Tolbiac » de Léo Malet (1956)
Nestor Burma se trouve ici plongé dans son passé, son adolescence de gosse de pauvre égaré à Paris, comptant sur la solidarité des foyers anarchistes, avec les risques que cela comporte. C’est la mort d’un camarade de cette époque de sa vie, un certain Lenantais, qui le ramène à ces temps de vaches maigres. Ce Lenantais qui séjourne à l’hôpital, lui demande de l’aide par une lettre. Alors qu’il s’apprête à le rencontrer, Burma rencontre une séduisante gitane du nom de Bélita qui lui apprend la mort de Lenantais de deux coups de couteau. Ce meurtre fait remonter à la surface un vol datant de 1936 ayant débouché sur la mort d’un garçon de recettes. Parallèlement, une relation amoureuse se noue entre Nestor et Bélita, laquelle est en butte à sa propre communauté.
« Brouillard au pont de Tolbiac » tient une place à part dans la saga Burma en cela qu’il évoque le passé du héros, ce qui le rend plus humain et renvoie à d’autres oeuvres de Malet n’incluant pas le célèbre détective, en l’espèce la trilogie noire, fresque de la jeunesse paumée des années 1920, tentée par l’anarchisme (En particulier dans le premier volume « La vie est dégueulasse ») et à la propre vie de Léo Malet. Ce dernier fut en effet une graine d’ananar dans ses jeunes années, côtoyant un de ses personnages tragiques, Philippe Daudet. Ce garçon, fils du publiciste d’extrême-droite Léon Daudet, dont la police retrouva le corps inanimé dans une voiture. Il y a des relents de cette tragédie dans « Brouillard au pont de Tolbiac », roman noir et roman de la mémoire, des questions sans réponses, des nostalgies et des regrets.
A ce retour en arrière s’ajoute la romance entre la gitane et Burma qui distingue le roman des autres opus de la série car plus étoffée et laissant plus d’amertume que de coutume au privé tout en le renvoyant à ce qui son paraît son habitat naturel: la solitude.
Le pittoresque est par ailleurs évidemment présent par sa description des sous-mondes alternatifs de l’Entre-deux guerres (Ah, les végétaliens!) et des roms que Malet n’appréciait guère, ce qui apporte la touche d’humour inhérente à la série dont « Brouillard au pont de Tolbiac » constitue l’une des plus belles réussites.




